« わが福島 My
Fukushima Mon Fukushima » est un recueil trilingue où l’on découvre un
florilège de poésies japonaises et parmi celles-ci l’auteur nous régale en « gogyōshi »,
« haibun », « sangyōshibun » et « gogyōshibun ». Afin
que le lecteur peu coutumier de ces termes puisse en saisir toutes les nuances,
expliquons ici ces différents genres poétiques se côtoyant et se chevauchant au
gré des événements de cette fiction poétique.
Gogyōshi
Taro
Aizu, poète japonais de l’ère moderne est à l’origine de ce poème qui a été
largement influencé par le haïku et le tanka, mais sans restrictions
syllabiques.
Il
s’agit d’un poème dont la seule règle est d’être écrit en cinq lignes, les
thèmes utilisés sont libres et choisis par le poète. Il peut comporter un
titre, certains le font, d’autres ne le font pas, celui-ci n’étant pas inclus
dans les cinq lignes du poème. Le gogyōshi est la forme poétique la plus libre
au monde.
Haïbun
Le
haïbun est une composition littéraire
reliant de différentes manières directes ou indirectes prose et haïku dont la
longueur et le thème sont libres. Le haïku est la forme poétique la plus
utilisée et la plus concise au monde, 5, 7, 5 syllabes, une seule ligne en
japonais, la plupart du temps et 17 mores, la more étant une unité phonétique
qui règle la longueur temporelle d’un son ou d’une syllabe. Le haïku
traditionnel dont la clef de voûte est le mot-saison ou kigo (季語) doit également comporter une césure ou kireji (切れ字)
faute de quoi il ne sera pas considéré comme tel. C’est la poésie de
l’indicible et à l’égal des autres arts du Japon tels que le Nō, le tir à
l’arc, la calligraphie, la peinture, l’arrangement floral ou l’art du jardin,
il est lié à l’attitude bouddhiste qui observe les choses avant de les
critiquer. C’est l’art de restituer l’instant
présent lié à l’impermanence des choses. Le haïku est la vision de
l’existence humaine perçue comme un souffle, il est la philosophie de
l’instant.
Sangyōshibun
Le sangyōshi (三行詩)
signifie littéralement un poème de trois lignes. Il est attribué aux poèmes de
trois lignes ne répondant pas aux caractéristiques très codifiées du haïku
traditionnel, telles qu’énoncées ci-dessus. Le sangyōshibun est donc une
composition littéraire où la prose est parsemée harmonieusement de sangyōshi.
Gogyōshibun
Une narration poétique articulant prose et gogyōshi sans que
ceux-ci soient descriptifs du texte qui les précède est un gogyōshibun. Sa
longueur, le nombre de gogyōshi disséminés de même que son thème sont à la
discrétion de l’auteur.
« わが福島 My
Fukushima Mon Fukushima » se découpe en trois grands chapitres, chacun
d’entre eux étant écrit alternativement en japonais, anglais et français. Il ne
revêt donc pas la forme traditionnelle de trois livres rassemblés en un seul comme c’est souvent le
cas.
Ce recueil de poésie japonaise ne décrit pas la catastrophe nucléaire
de 2011. Il célèbre l’harmonie entre l’homme et la nature à l’aide de gogyōshi
avant les événements du 3 mars puis évoque à l’aide de genres poétiques japonais
tantôt modernes tantôt anciens l’après Fukushima. A l’exception d’un hymne
traduit en trente-cinq langues, ce recueil est écrit en japonais, anglais et
français, afin de mettre en évidence la problématique mondiale que soulève
l’explosion de la centrale, l’auteur visant une audience et une compréhension
universelles. Il est rédigé en tournures et termes simples afin de le rendre
accessible au plus grand nombre et ainsi favoriser sa diffusion.
Qu’en penser ?
Fukushima ! Un nom qui claque comme l’éclair aux quatre
coins de notre planète. Tous se souviennent de ce dramatique 3 mars 2011. Le propos
de ce livre n’est pas de décrire la catastrophe elle-même mais d’en induire les
conséquences non seulement sur une région, mais sur une nation toute entière.
Le narrateur en proie à des hésitations dues à la
contamination occasionnée par la fuite de la centrale nucléaire est finalement de
retour dans sa ville natale. Il a l’avantage de poser sur les événements un
double regard. Il se promène et discute avec l’objectivité du témoin sans
ignorer les émotions qui étreignent l’enfant du pays. Il lui est même parfois
impossible de trancher entre deux points de vue tel qu’en atteste le dialogue
entre le narrateur et l’employé du site touristique. La catastrophe naturelle,
cause des rejets radioactifs dans l’environnement par une centrale à la
sécurité défectueuse a, outre l’évident désastre, provoqué des ruptures
importantes. L’osmose entre l’homme et la nature célébrée dans la première
partie de « Mon Fukushima » ne sera rétablie qu’au prix d’efforts
soutenus. Combien d’années seront nécessaires pour que le riz ne contienne plus
de césium ? Alors que la plupart des parents ont fui la région avec leurs
enfants, les anciens ont refusé cet exode. La cellule familiale s’est donc
déchirée. Ceux qui sont restés, par l’amertume, l’ironie et le ressentiment
qu’ils exhalent, ressemblent alors à cette terre contaminée.
Le narrateur en croquant les pommes de Fukushima témoigne de
sa solidarité avec les habitants jusqu’à composer une prière, un appel à la
vie, au renouveau qu’il imagine nécessairement différent de ce qui est devenu
pour lui le paradis perdu de son enfance. La couverture illustrée par Gonny
Geurts condense de belle manière ce message adressé à la fois aux victimes et
au lecteur.
Ce recueil ne se veut
pas une description de la catastrophe nucléaire pas plus qu’une position
militante de l’auteur. Il nous dévoile la ville et la région dont l’auteur est
originaire telle qu’elle était et ce qu’elle est devenue. Il nous fait part de
l’immensité des problèmes rencontrés, toujours irrésolus et du temps infini qui
sera nécessaire à sa reconstruction que seules les générations à venir
connaîtront.
Le cœur du livre repose sur un seul et unique mot :
dualité.
Ce recueil se veut à l’image d’un Japon où tout s’oppose.
Tradition et modernité se côtoient à chaque croisement de rue, les villes et
les campagnes, la poésie contemporaine et la poésie multiséculaire, les divers
genres utilisés par l’auteur. Dualité encore entre poésie et prose, beauté de
l’avant Fukushima et désolation, dangers de l’après Fukushima, nostalgie d’un
temps révolu, mais aussi espoir pour les générations à venir.
Sans être parcouru par un souffle essentiellement militant ce
recueil nous dévoile l’implication de l’auteur pour l’abolition des centrales
nucléaires. Un poème appelle à utiliser une autre source d’énergie :
Ma prière
Que ma prière
Me donne non seulement
La consolation
Mais la force d’abolir
Toutes les centrales
nucléaires !
Si l’auteur ambitionnait de dénoncer les dangers du
nucléaire, il le fait de manière détournée en décrivant les conséquences de la
tragédie.
Le bandeau de couverture au recto du livre nous rappelle la
nostalgie de l’auteur de l’avant Fukushima à l’image du poème traduit en trente-cinq
langues véritable hymne au Takizakura alors qu’au verso l’auteur nous rappelle
ses desseins. Son point de vue est clair : ce recueil est un rappel que la
centrale nucléaire de Fukushima n’est pas un problème local au Japon, mais le
symbole de toutes les centrales nucléaires du monde. En témoigne ce
haïku :
La jonquille fleurit
Dans le jardin désert —
Énergie paisible.
Ce recueil est une très belle symphonie dont la partition est
écrite et dirigée par Taro Aizu et dont les instruments modernes ou anciens prénommés
« haïku, sangyōshi, haïbun, sangyōshibun et gogyōshibun » ne sont pas
installés dans une fosse d’orchestre, mais enveloppés dans une très belle reliure.
L’objet est beau et prendra une place de choix dans nos bibliothèques auprès
des grands maîtres japonais.
Çà et là
Avant le 11 mars 2011 (gogyōshi) :
Un lys tigré
Sur le chaume
Du corps de ferme,
Un lys tigré
Tremble délicatement —
La lumière du matin.
La lumière des étoiles
L’air devient
Plus froid,
La lumière des étoiles
Plus claire
Dans l’univers infini.
Après le 11 mars 2011 (gogyōshi) :
L’héritage génétique
Non contaminé par le
césium
Est un cadeau précieux
À mes descendants
Dans ma cellule
sombre.
Après le 11 mars 2011 (haïku) :
Comme si le tsunami
N’avait été qu’une
fiction —
La mer du printemps.
Les enfants courent
Et passent la ligne
d’arrivée —
Le ciel bleu
d’automne.
Sans me plaindre
Je croque une grosse
pomme —
Au diable le
césium !
Œuvre caritative
Dans la postface, l’auteur après les remerciements d’usage,
s’engage à reverser tous les profits de ce recueil aux organismes locaux qui
essaient de protéger les enfants de Fukushima du cancer. Nous lui adressons tout
notre respect et notre admiration. Nous espérons que le succès qu’il mérite lui
sera attribué, la noblesse de cette cause valant la peine d’être soulignée.
Comment se procurer le
livre
Ce recueil est exclusivement disponible sur les sites de
vente par correspondance japonais. Ayant acheté ce livre sous ses trois formes
disponibles, nous sommes à même de vous
en expliquer la procédure.
— Livre relié : amazon.co.jp
Dimensions du produit : 15,5 x 21,5 cm
Nombre de pages : 236
N’ayez crainte, ce site japonais vous offre la possibilité de
passer votre commande en langue anglaise. Il suffit d’ouvrir un compte sur le
site susnommé, votre achat vous sera livré sous 48 heures.
— Livre broché : bookway-global.com
Dimensions du produit : 15 x 21 cm
Nombre de pages : 236
Vous passerez votre commande exclusivement en langue
anglaise. S’agissant d’une impression faite à la demande, le délai de
fabrication est de quinze jours, le livre vous sera ensuite envoyé et vous le
recevrez sous cinq jours ouvrés.
— Livre numérique : bookway-global.com
Dès votre achat en ligne vérifié et authentifié vous pourrez
le lire sur vos appareils numériques en vous connectant grâce à vos
identifiants, opération que vous devrez néanmoins renouveler après déconnexion
dudit site.