Nombre d’entre vous étant peu familiarisés avec les termes
japonais « Haïsha » et « Haïga », il nous semble préférable
d’en définir le sens tout comme l’origine.
Haïga
Les Chinois ont été les premiers à introduire la technique
permettant de juxtaposer un texte et une peinture en se servant du même pinceau
pour la calligraphie et l’image, ceci dès le IVe siècle de notre
ère.
Le haïga est un art graphique d’origine japonaise faisant
cohabiter avec harmonie l’encre, la peinture et la calligraphie d’un haïku. Il
est apparu au Japon à l’époque Edo, son inventeur Yosa Buson (1716-1783), poète
et artiste peintre japonais est considéré comme l’un des quatre maîtres
classiques du haïku. Le haïku, quant à lui, est la forme poétique la plus
utilisée et la plus concise au monde. C’est la poésie de l’indicible, il est
lié à l’attitude bouddhiste qui observe les choses avant de les critiquer.
C’est l’art de restituer l’instant présent lié à l’impermanence des choses.
Haïsha
Le haïsha est né de la combinaison de deux arts, la
photographie et le haïku afin de se compléter et de former un tout. Cet art
contemporain où l’expression photographique et la poésie s’entremêlent,
s’inspire du haïga bien plus ancien. Le rôle délicat du photographe sera
d’offrir une nouvelle dimension à la photographie qui possède déjà sa propre
histoire et non d’en montrer une vision réductrice comme pourrait le faire une
légende photographique. La fusion entre le haïku et la photographie devra être telle
qu’aucun des deux arts ne supplantera l’autre afin de s’unir dans une belle
harmonie.
Le haïsha peut être présenté de deux manières :
— Le texte du haïku est incorporé au sein même de la
photographie.
— L’ensemble se compose de deux entités, d’un côté la
photographie et de l’autre le haïku qui lui est associé.
Le choix est laissé à la discrétion de l’artiste.
Le terme « haïsha » est essentiellement utilisé dans
les pays francophones, les pays anglo-saxons utilisant pour le
« haïga » comme pour le « haïsha » le mot
« haïga », ce que l’on retrouve dans d’autres contrées.
Note à l’attention du lecteur
Nous avons pris le parti
de ne pas franciser les mots japonais, ceux-ci resteront donc invariables même
si ce ne fut pas le choix de l’éditeur.
« Haïga & Haïsha » est un recueil bilingue
français-anglais composé de deux parties distinctes. La première d’entre elles
nous offre les haïga de Graziella Dupuy et la seconde, les haïsha de Lise
Robert. Joliment préfacé par Francis Tugayé, membre de l’Association pour la
Promotion du Haïku (APH), l’avant-propos est rédigé par Graziella Dupuy, les
traductions en langue anglaise étant de Robert Johnston. Des notices
biographiques, en fin d’ouvrage, concernant les deux artistes complètent ce
recueil dédié à la poésie japonaise, encres ou aquarelles et photographies.
Qu’en penser ?
Ce recueil est le fruit de plusieurs rencontres, celle de la
sensibilité d’une artiste et du monde dans lequel elle évolue, celle des mots
et des images nées d’un pinceau ou immortalisées par un appareil
photographique, celle enfin de deux haïjin issues de deux continents, Graziella
Dupuy et Lise Robert. Elles restituent chacune à leur manière, mais avec une
touchante simplicité quelques instants, des « trois fois rien » comme
le dit Graziella Dupuy dans son « Avant-propos », qu’elles partagent
et préservent de l’oubli.
Poussée à l’extrême, la concision de Lise Robert qui n’hésite
pas à économiser verbes et adjectifs, offre au lecteur des perceptions réduites
à l’essentiel, des moments très dépouillés. Ce qui s’apparente à une mise en
retrait de l’auteur cache, n’en doutons pas, une forme de générosité car faire
don de ces instants sans en fermer le sens n’est-ce pas une façon de vivement
solliciter la sensibilité du lecteur ?
A la sobriété des mots répond celle des photographies où nous
pourrons regretter des choix de police parfois discutables. Néanmoins, par leur
association souvent surprenante, Lise Robert a peut-être trouvé le moyen de
guider avec subtilité le regard du lecteur dans une direction toute
personnelle.
Les peintures (encres ou aquarelles) et calligraphies de
Graziella Dupuy semblent au contraire prolonger ses haïku. On décèle dans les
traits comme dans les mots une certaine ampleur mêlée de tendresse, une poésie
plus expansive.
Si les deux artistes se rejoignent dans des thèmes communs —
amour , filiation, naissance ou renaissance — la vision assez contemplative
de Lise Robert qui effleure la mort, le souvenir contraste avec la tonalité
plus dynamique de Graziella Dupuy. Nous dansons avec le vent ou la lune, nous
crions pour exprimer notre souffrance ou pour saluer le printemps. La solitude
n’est jamais entière : solidaires les parapluies tourmentés par les
bourrasques, solidaire l’artiste qui rencontre un bonhomme de neige… A
souligner enfin, l’humour qui se révèle ici ou là, plaisant et discret.
« Haïga & Haïsha » conformément à son titre est
représentatif de deux arts dévoués tant à l’image qu’à la poésie, l’un orienté
vers la peinture et l’autre vers la photographie. Ce recueil n’est pas un
recueil à quatre mains, mais plutôt deux recueils disposés côte à côte à
l’image de ses auteurs dont le tempérament
contrasté met en valeur chacun des arts qu’il représente. Nous regrettons
que les haïga et haïsha n’aient pas été présentés différemment, se côtoyant par
exemple tout au long de cet ouvrage en alternance plus ou moins rythmée. La
belle histoire ainsi contée aurait permis aux auteurs d’inclure le lecteur dans
leur osmose artistique qui fait défaut à ce bel ouvrage dont le résultat est
plutôt une opposition d’art comme de style sans en entacher la valeur.
Ce recueil a retenu toute notre attention allant jusqu’à nous
envoûter comme il saura vous subjuguer, que vous aimiez, voire excelliez dans
l’art du haïku et de ses dérivés ou qu’il vous paraisse étranger.
Professionnels ou néophytes en matière de poésie japonaise, cet objet précieux
prendra une place privilégiée dans votre bibliothèque ou celle de vos proches
et amis.
Çà et là
Comment se procurer le
livre ?
« Haïga & Haïsha » est exclusivement disponible sur le site de
l’éditeur « TheBookEdition.com ».
En cliquant sur le lien suivant vous serez directement mis en
relation avec le site marchand où des extraits vous seront proposés :
Merci infiniment Anne pour ton article ;-)
RépondreSupprimerMerci Graziella d'avoir pris le temps de le lire. Cela permettra peut-être de lui donner une plus grande visibilité.
SupprimerMerci Anne pour ce bel article. Un recueil que j'avais remarqué en son temps mais un peu oublié.
RépondreSupprimerJe vais m'empresser de me le procurer.
J'aime le travail de Graziella Dupuy abonnée à son blog de longue date et j'ai hâte de découvrir Lise Robert
Heureuse d'être aussi abonnée à la "Calame Libre"; Un blog que j'ai toujours envie de suivre...
Marie-Ange
Merci Marie-Ange de ta confiance et de ta fidélité.
SupprimerBelle recension, Anne ♥
RépondreSupprimerUne perception objective, quelques repères...
Coucou ! Graziella ♥
Coucou ! Lise ♥
Francis 8-)
Merci, Francis, de ton appréciation qui me touche.
SupprimerWow! Quelle belle recension, Anne, d'un livre que je m'étais procuré et que j'avais lu dès sa sortie. Ton regard est juste et ton appréciation est agréable à lire.
RépondreSupprimerJ'ajouterais un commentaire cependant quant à la traduction anglo du mot "haïsha" qui, selon mon expérience personnelle au fil des ans, se dit "photo-haiku", notamment au Japon, bien qu'on fasse une distinction notable en français entre ces deux termes.
Hormis ce détail, j'aime tellement les définitions que tu fournies concernant le haïga et le haïsha que je souhaiterais les emprunter, avec ton aimable autorisation bien sûr et en mentionnant la source, lors de mes ateliers de haïku, haïsha et haïga. Aurais-je ton aval?
Malheureusement, je te lis très tardivement n’ayant pas eu accès à mon blog durant quelques mois. Merci infiniment, Diane, de ton appréciation qui m’honore. Je sais bien qu’en japonais le mot « haïsha » a plusieurs significations, mais celui-ci a été adopté par la seule francophonie. En effet, les autres contrées utilisent le mot « haïga » qu’il s’agisse de photographie et haïku ou de calligraphie et peinture ou encre. Pour ma part, je n’inscris aucun haïku sur mes photographies, je dispose toujours le haïku sous la photographie. Les Japonais du reste n’aiment pas écrire sur leurs photographies. S’il m’arrive à titre très exceptionnel de le faire, c’est uniquement pour protéger mes droits d’auteur notamment sur les réseaux sociaux où certains se croient tout permis. Je pense que haïga et haïsha sont deux arts très distincts et qu’en faire la différenciation est essentiel. Naturellement, tu as mon aval, comment pourrait-il en être autrement ?
RépondreSupprimer« Mieux vaut tard que jamais » dit un proverbe vieux comme le monde ;-) et je te remercie, bien chère Anne, de m’accorder cette autorisation de te citer lors de l’animation de mes ateliers de haïku, haïsha et haïga, c’est vraiment chouette de pouvoir diversifier ses sources surtout lorsqu’elles sont fiables et professionnelles :-)
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