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Les journalistes François Busnel, La Grande Librairie, France 5 et Éric Fottorino, hebdomadaire Le 1 viennent de lancer un mook (contraction de deux mots
anglo-saxons, magazine et book). Il s’agit d’une publication
périodique dont le contenu privilégie les grands reportages et les enquêtes
approfondies dont les textes sont illustrés de dessins et de photographies. America, magazine littéraire sous-titré L’Amérique comme vous ne l’avez jamais lue,
consacrée à l’Amérique de Donald Trump est un trimestriel limité à 16 numéros,
la durée du mandat du président des États-Unis.
Qu’en penser ?
Dans
son édito François Busnel nous explique comment est né America :
« À l’ère du buzz, de la rumeur considérée comme une information,
de la pensée ramenée à un slogan, des généralisations hâtives, des analyses
d’experts qui ne mettent plus les pieds sur le terrain et de ce que les séides
du nouveau Grand Sachem américain ont baptisé “faits alternatifs”, il nous a
semblé nécessaire de retrouver le temps long de l’enquête et du
reportage. »
De
quoi sera-t-il question ? L’éditorial nous donne une réponse sans
ambiguïté :
« Vous
lirez dans chaque numéro, un entretien au long cours (Toni Morrison, qui a
accepté d’être la marraine d’America, raconte ce qu’écrire veut dire et
ce dont Trump est le nom), mais aussi les extraits exclusifs des plus beaux
romans américains à paraître (ici, Jay McInerney et une nouvelle inédite
de F. Scott Fitzgerald). Vous arpenterez une ville sous le regard inspiré d’un
romancier (Alain Mabanckou vous emmène à Los Angeles). Vous décrypterez les
classiques du cinéma (grâce à Douglas Kennedy) et de la littérature (en VO
comme en VF, sous le regard de John Irving ou Russell Banks). Vous vivrez de
l’intérieur la résistance indienne à Standing Rock (grâce à Louise Erdrich) et
même les soubresauts du Bureau ovale (sous l’œil de notre correspondant sur
place, un inoffensif cyprinidé posé sur un guéridon de la
Maison-Blanche)… »
Ce premier numéro nous offre un entretien avec Toni Morrison (prix
Pulitzer pour Beloved en 1988, prix
Nobel de littérature en 1993 pour l’ensemble de son œuvre, éditrice, romancière
et professeur de littérature) de 24 pages qui à elles seules valent
l’acquisition de ce numéro que l’on conservera précieusement dans sa
bibliothèque.
Le journaliste et écrivain américain, Ta-Nehisi Coates,
lauréat 2015 du National Book Award en 2015 pour Une colère noire : lettre à mon fils adoubé par Toni Morrison dresse
le portrait fascinant d’un homme porté par un indéfectible optimisme, convaincu
de la force du rêve américain. Il nous dresse le bilan de cette présidence pas
comme les autres, nous parle de ses succès sans en oublier les échecs
retentissants, notamment sur la question raciale.
Peu de temps avant son départ de la Maison-Blanche, le
président américain s’est entretenu avec Michiko Kahutani, critique littéraire
pour le New York Times et lauréate du
Prix Pulitzer de la critique. De cette rencontre résulte l’article : Barack Obama — Ce que peut la littérature
que nous offre America. Le président
revient sur ses ambitions d’écrivain, le rôle de la littérature dans sa
formation ainsi que le pouvoir des mots dans l’époque que nous traversons.
En fin d’ouvrage, le lecteur peut découvrir une nouvelle
inédite de Francis Scott Fitzgerald Reconnaissance
de dette, première nouvelle de Je me
tuerais pour vous, édité au mois d’avril 2017 par Grasset/Fayard,
traduction de Marc Amfreville d’après l’édition originale publiée en 2017 sous
le titre : I’d die for you, and
other lost stories.
Pour conclure, America met en exergue un grand roman américain :
Moby Dick. Cette initiative nous vaut
quelques belles pages dont Petite
histoire d’un grand livre — Moby Dick
par André Clavel, quelques morceaux choisis en VF et VO suivis de Pourquoi j’aime Moby Dick par Russell
Banks, Ron Rash & John Irving. Quelle belle manière de clore ce premier
volume alors que le second est déjà annoncé dans la presse pour le 28 juin
prochain ! Nous l’attendons avec impatience, le sommaire s’annonce
également de bonne facture.
America, revue
faite par des écrivains et initiée par des journalistes a atteint son but. En effet, à l’aide de reportages, d’enquêtes,
de chroniques, de nouvelles ou d’extraits littéraires, ces écrivains relient
leur art à l’Amérique de Donald Trump. N’avons-nous pas assisté depuis le 11
septembre 2001 à une renaissance de la littérature américaine ? Ces
évolutions ne sont-elles pas un des rôles de la littérature ?
Çà et là
“
Tout écrivain digne de ce nom parle du monde qui l’entoure.
Prenez Eschyle. Prenez Shakespeare. L’art n’est jamais séparé du politique.
Affirmer cela est une manœuvre politique. Laissez cela aux pays qui possèdent
un art officiel, comme les pays communistes d’autrefois. Aujourd’hui comme
hier, si les politiques ont tellement besoin de museler les écrivains, de les
enfermer, de les déporter, de les faire taire, c’est précisément parce qu’ils
ont bien compris que l’art et la politique ont partie liée. Je ne comprends pas
l’idée, développée par certains beaux esprits, selon laquelle rien dans l’état
actuel du monde ne peut nourrir romans ou poèmes. Je pense exactement
l’inverse.
Toni Morrison
Pourtant, malgré cette haine raciale profonde, et face à la
résistance farouche des républicains du Congrès, à cette guerre ouverte dès
l’arrivée d’Obama à la Maison-Blanche, le président a accompli des exploits de
premier ordre. Il a reconstruit le système de santé de la nation. Il a remis
sur pied un département de la Justice qui s’employait à appliquer avec vigueur
la brutalité policière et la discrimination, et il a commencé à démanteler le
système pénitentiaire privé des détenus fédéraux. Obama a nommé pour la première fois une Latino au poste de juge de
la Cour suprême, soutenu le mariage pour tous et mis fin à la politique
militaire américaine du « Ne demandez pas, n’en parlez pas23 »,
honorant dans le même mouvement la tradition de défense des droits civiques qui
l’avait inspiré. Son existence a de toute évidence enflammé la conscience
raciste de l’Amérique, mais elle a aussi enflammé l’imagination antiraciste du
pays. Pour des millions de jeunes aujourd’hui, leur unique président est un
président afro-américain. Dans un article du New Yorker, Jelani Cobb a un jour écrit ceci : « Tant
qu’on n’avait pas vécu de présidence noire, il était impossible d’en mesurer
les limites. »
Ta-Nehisi Coates
23 Politique discriminatoire en vigueur dans les
forces armées américaines de 1993 à 2011 vis-à-vis des homosexuels et des
bisexuels.
Avez-vous des livres à
recommander en cette période que nous traversons, qui ont su saisir le chaos ambiant ?
Mishiko Kakutani
C’est probablement à vous que je devrais poser la question.
Je dois avouer que depuis les élections, j’ai été plus occupé que je ne m’y
attendais. L’une des choses que j’ai vraiment hâte de faire, c’est de me
plonger dans quantité de livres. Mais ce dont je suis sûr, c’est qu’il y a un
tas d’écrivains, jeunes pour la plupart, qui sont probablement en train de se
saisir de ce moment pour écrire le livre que j’ai besoin de lire. Ils ont une
longueur d’avance sur moi, aujourd’hui. Et dans cette période post-présidence,
en plus de former la prochaine génération de dirigeants à travailler sur des
questions comme le changement climatique, la violence armée ou la réforme du
système de justice pénale, j’espère parvenir à créer des liens entre eux et
leurs pairs qui considèrent la fiction ou la non-fiction comme un élément
important de ce processus. Alors que l’essentiel de la politique consiste à
essayer de gérer le choc des cultures provoqué par la mondialisation, la
technologie et les migrations, le rôle des histoires pour unifier plutôt que
pour diviser, pour impliquer plutôt que pour marginaliser, est plus crucial que
jamais. Il y a quelque chose d’unique dans le fait de ralentir et de s’accorder
un temps long, qui n’est pas celui de la musique, de la télévision ou des
films, même les meilleurs. Or de nos jours, nous sommes tous confrontés à une
masse d’informations, et nous manquons de temps pour les assimiler. Cela nous
conduit à formuler des jugements trop rapides, à traiter les choses de façon
stéréotypée ou à en refouler d’autres, simplement parce que notre cerveau fait
ce qu’il peut pour tenir le coup. […]
Barack Obama
”
Comment se procurer le
livre ?
Pour information ce premier numéro de America fut tiré à 50 000 exemplaires.
Vous pourrez l’acquérir comme les suivants chez votre
marchand de journaux ou votre libraire, il est également disponible en ligne
chez votre distributeur habituel ou sur abonnement à l’adresse suivante :
http://www.America-mag.com
America n’est pas
distribué au Canada. Néanmoins, il est possible de s’abonner depuis le Canada
via la boutique « america-mag.com » en sélectionnant la zone de
livraison « EXPORT », les tarifs export étant identiques à la France.
Pour tout renseignement complémentaire s’adresser au site ci-dessus mentionné.
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