vendredi 10 avril 2015

わが福島My Fukushima Mon Fukushima — Taro Aizu







« わが福島 My Fukushima Mon Fukushima » est un recueil trilingue où l’on découvre un florilège de poésies japonaises et parmi celles-ci l’auteur nous régale en « gogyōshi », « haibun », « sangyōshibun » et « gogyōshibun ». Afin que le lecteur peu coutumier de ces termes puisse en saisir toutes les nuances, expliquons ici ces différents genres poétiques se côtoyant et se chevauchant au gré des événements de cette fiction poétique.

Gogyōshi
Taro Aizu, poète japonais de l’ère moderne est à l’origine de ce poème qui a été largement influencé par le haïku et le tanka, mais sans restrictions syllabiques.
Il s’agit d’un poème dont la seule règle est d’être écrit en cinq lignes, les thèmes utilisés sont libres et choisis par le poète. Il peut comporter un titre, certains le font, d’autres ne le font pas, celui-ci n’étant pas inclus dans les cinq lignes du poème. Le gogyōshi est la forme poétique la plus libre au monde.

Haïbun
Le haïbun est une  composition littéraire reliant de différentes manières directes ou indirectes prose et haïku dont la longueur et le thème sont libres. Le haïku est la forme poétique la plus utilisée et la plus concise au monde, 5, 7, 5 syllabes, une seule ligne en japonais, la plupart du temps et 17 mores, la more étant une unité phonétique qui règle la longueur temporelle d’un son ou d’une syllabe. Le haïku traditionnel dont la clef de voûte est le mot-saison ou kigo (季語) doit également comporter une césure ou  kireji (切れ字) faute de quoi il ne sera pas considéré comme tel. C’est la poésie de l’indicible et à l’égal des autres arts du Japon tels que le Nō, le tir à l’arc, la calligraphie, la peinture, l’arrangement floral ou l’art du jardin, il est lié à l’attitude bouddhiste qui observe les choses avant de les critiquer. C’est l’art  de restituer l’instant présent lié à l’impermanence des choses. Le haïku est la vision de l’existence humaine perçue comme un souffle, il est la philosophie de l’instant.

Sangyōshibun
Le sangyōshi (三行詩) signifie littéralement un poème de trois lignes. Il est attribué aux poèmes de trois lignes ne répondant pas aux caractéristiques très codifiées du haïku traditionnel, telles qu’énoncées ci-dessus. Le sangyōshibun est donc une composition littéraire où la prose est parsemée harmonieusement de  sangyōshi.

Gogyōshibun
Une narration poétique articulant prose et gogyōshi sans que ceux-ci soient descriptifs du texte qui les précède est un gogyōshibun. Sa longueur, le nombre de gogyōshi disséminés de même que son thème sont à la discrétion de l’auteur.

« わが福島 My Fukushima Mon Fukushima » se découpe en trois grands chapitres, chacun d’entre eux étant écrit alternativement en japonais, anglais et français. Il ne revêt donc pas la forme traditionnelle de trois livres  rassemblés en un seul comme c’est souvent le cas.
Ce recueil de poésie japonaise ne décrit pas la catastrophe nucléaire de 2011. Il célèbre l’harmonie entre l’homme et la nature à l’aide de gogyōshi avant les événements du 3 mars puis évoque à l’aide de genres poétiques japonais tantôt modernes tantôt anciens l’après Fukushima. A l’exception d’un hymne traduit en trente-cinq langues, ce recueil est écrit en japonais, anglais et français, afin de mettre en évidence la problématique mondiale que soulève l’explosion de la centrale, l’auteur visant une audience et une compréhension universelles. Il est rédigé en tournures et termes simples afin de le rendre accessible au plus grand nombre et ainsi favoriser sa diffusion.

Qu’en penser ?

Fukushima ! Un nom qui claque comme l’éclair aux quatre coins de notre planète. Tous se souviennent de ce dramatique 3 mars 2011. Le propos de ce livre n’est pas de décrire la catastrophe elle-même mais d’en induire les conséquences non seulement sur une région, mais sur une nation toute entière.
Le narrateur en proie à des hésitations dues à la contamination occasionnée par la fuite de la centrale nucléaire est finalement de retour dans sa ville natale. Il a l’avantage de poser sur les événements un double regard. Il se promène et discute avec l’objectivité du témoin sans ignorer les émotions qui étreignent l’enfant du pays. Il lui est même parfois impossible de trancher entre deux points de vue tel qu’en atteste le dialogue entre le narrateur et l’employé du site touristique. La catastrophe naturelle, cause des rejets radioactifs dans l’environnement par une centrale à la sécurité défectueuse a, outre l’évident désastre, provoqué des ruptures importantes. L’osmose entre l’homme et la nature célébrée dans la première partie de « Mon Fukushima » ne sera rétablie qu’au prix d’efforts soutenus. Combien d’années seront nécessaires pour que le riz ne contienne plus de césium ? Alors que la plupart des parents ont fui la région avec leurs enfants, les anciens ont refusé cet exode. La cellule familiale s’est donc déchirée. Ceux qui sont restés, par l’amertume, l’ironie et le ressentiment qu’ils exhalent, ressemblent alors à cette terre contaminée.
Le narrateur en croquant les pommes de Fukushima témoigne de sa solidarité avec les habitants jusqu’à composer une prière, un appel à la vie, au renouveau qu’il imagine nécessairement différent de ce qui est devenu pour lui le paradis perdu de son enfance. La couverture illustrée par Gonny Geurts condense de belle manière ce message adressé à la fois aux victimes et au lecteur.

Ce  recueil ne se veut pas une description de la catastrophe nucléaire pas plus qu’une position militante de l’auteur. Il nous dévoile la ville et la région dont l’auteur est originaire telle qu’elle était et ce qu’elle est devenue. Il nous fait part de l’immensité des problèmes rencontrés, toujours irrésolus et du temps infini qui sera nécessaire à sa reconstruction que seules les générations à venir connaîtront.
Le cœur du livre repose sur un seul et unique mot : dualité.
Ce recueil se veut à l’image d’un Japon où tout s’oppose. Tradition et modernité se côtoient à chaque croisement de rue, les villes et les campagnes, la poésie contemporaine et la poésie multiséculaire, les divers genres utilisés par l’auteur. Dualité encore entre poésie et prose, beauté de l’avant Fukushima et désolation, dangers de l’après Fukushima, nostalgie d’un temps révolu, mais aussi espoir pour les générations à venir.
Sans être parcouru par un souffle essentiellement militant ce recueil nous dévoile l’implication de l’auteur pour l’abolition des centrales nucléaires. Un poème appelle à utiliser une autre source d’énergie :

Ma prière

Que ma prière
Me donne non seulement
La consolation
Mais la force d’abolir
Toutes les centrales nucléaires !

Si l’auteur ambitionnait de dénoncer les dangers du nucléaire, il le fait de manière détournée en décrivant les conséquences de la tragédie.
Le bandeau de couverture au recto du livre nous rappelle la nostalgie de l’auteur de l’avant Fukushima à l’image du poème traduit en trente-cinq langues véritable hymne au Takizakura alors qu’au verso l’auteur nous rappelle ses desseins. Son point de vue est clair : ce recueil est un rappel que la centrale nucléaire de Fukushima n’est pas un problème local au Japon, mais le symbole de toutes les centrales nucléaires du monde. En témoigne ce haïku :

La jonquille fleurit
Dans le jardin désert —
Énergie paisible.

Ce recueil est une très belle symphonie dont la partition est écrite et dirigée par Taro Aizu et dont les instruments modernes ou anciens prénommés « haïku, sangyōshi, haïbun, sangyōshibun et gogyōshibun » ne sont pas installés dans une fosse d’orchestre, mais enveloppés dans une très belle reliure. L’objet est beau et prendra une place de choix dans nos bibliothèques auprès des grands maîtres japonais.

Çà et là

Avant le 11 mars 2011 (gogyōshi) :

Un lys tigré

Sur le chaume
Du corps de ferme,
Un lys tigré
Tremble délicatement —
La lumière du matin.


La lumière des étoiles

L’air devient
Plus froid,
La lumière des étoiles
Plus claire
Dans l’univers infini.


Après le 11 mars 2011 (gogyōshi) :


L’héritage génétique
Non contaminé par le césium
Est un cadeau précieux
À mes descendants
Dans ma cellule sombre.


Après le 11 mars 2011 (haïku) :

Comme si le tsunami
N’avait été qu’une fiction —
La mer du printemps.

Les enfants courent
Et passent la ligne d’arrivée —
Le ciel bleu d’automne.

Sans me plaindre
Je croque une grosse pomme —
Au diable le césium !


Œuvre caritative

Dans la postface, l’auteur après les remerciements d’usage, s’engage à reverser tous les profits de ce recueil aux organismes locaux qui essaient de protéger les enfants de Fukushima du cancer. Nous lui adressons tout notre respect et notre admiration. Nous espérons que le succès qu’il mérite lui sera attribué, la noblesse de cette cause valant la peine d’être soulignée.

Comment se procurer le livre

Ce recueil est exclusivement disponible sur les sites de vente par correspondance japonais. Ayant acheté ce livre sous ses trois formes disponibles, nous sommes à  même de vous en expliquer la procédure.
— Livre relié : amazon.co.jp
Dimensions du produit : 15,5 x 21,5 cm
Nombre de pages : 236
N’ayez crainte, ce site japonais vous offre la possibilité de passer votre commande en langue anglaise. Il suffit d’ouvrir un compte sur le site susnommé, votre achat vous sera livré sous 48 heures.
— Livre broché : bookway-global.com
Dimensions du produit : 15 x 21 cm
Nombre de pages : 236
Vous passerez votre commande exclusivement en langue anglaise. S’agissant d’une impression faite à la demande, le délai de fabrication est de quinze jours, le livre vous sera ensuite envoyé et vous le recevrez sous cinq jours ouvrés.
— Livre numérique : bookway-global.com
Dès votre achat en ligne vérifié et authentifié vous pourrez le lire sur vos appareils numériques en vous connectant grâce à vos identifiants, opération que vous devrez néanmoins renouveler après déconnexion dudit site.


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