mercredi 23 décembre 2015

Mille ans de littérature japonaise Anthologie du VIIIe au XVIIIe siècle Ryôji Nakamura et René de Ceccatty




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Les Éditions Philippe Picquier nous proposent une édition revue de celle publiée en deux tomes en 1998. Il s’agit de textes japonais, écrits entre le VIIIe et le XVIIIe siècle et traduits par Ryôji Nakamura et René de Ceccatty. Dans l’avertissement faisant office de préface les auteurs nous précisent que l’évolution de la littérature japonaise est irrégulière et discontinue, parcourue de blancs, d’arrêts de production. Les périodes fécondes étant les XIe, XIIIe et XVIIe siècles et les périodes répétitives ou régressives survenant notamment au  XVIe siècle.

Il est essentiel de considérer la littérature classique japonaise comme un tout et non comme un prologue de la littérature japonaise. Elle a défini son propre langage et sa propre philosophie.

Ce livre nous permet donc de découvrir tous les genres qui ont inspiré les écrivains classiques, l’accent étant mis sur les textes en prose.

L’objectif des auteurs étant de rassembler des textes nouveaux dans une traduction inédite, vous ne trouverez pas dans cet ouvrage Notes de chevet, Heures oisives, Contes de pluie et de lune.

Notons que les textes présentés ne sont pas des extraits, exception faite des romans longs pour lesquels l’intrigue peut être suivie sans difficulté.

Les auteurs nous offrent, en appendice, deux textes contemporains : Contes de Tôno (Tôno monogatari) et l’Iki (Iki no kôzo).

Cette édition revue (dépôt légal : octobre 2005) nous offre donc les œuvres suivantes :

— Des journaux poétiques tels que Journal de Tosa et Journal d’Izumi shikibu.

L’éphémère (Kagerô) cinquante-deuxième chapitre de Genji monogatari qui en comporte cinquante-quatre.

— Les cent poèmes, célèbre anthologie de waka.

Contes du Moyen Age dont six contes extraits de Konjaku monogatari, Uji shûi monogatari, Tsutsumi chûnagon monogatari.

— Écrit de l’ermitage (Hôjôki) de Kamo no Chômei, fils d’un prêtre shintoïste qui suite à un échec dans sa carrière de courtisan abandonna le monde pour se faire moine, ce livre révèle le reste de sa vie.

— La Réserve visuelle des événements dans leur justesse (Shôbôgenzô) écrit par Dôgen (1200-1253) qui est qualitativement et quantitativement l’œuvre maîtresse de cet auteur bouddhiste. Constituée de quatre-vingt-sept chapitres, cette somme doctrinale est la première et peut-être la seule œuvre japonaise de dimension véritablement conceptuelle.

— Soliloque (Towazugatari) a été retrouvé en 1950 seulement dans une copie, incomplète du XVIIe siècle. L’auteur, désignée sous le surnom de Gofukakusain nijô, c'est-à-dire « Dame de la Deuxième Avenue, concubine de l'Empereur Retiré Gofukakusa », est née en 1258 et morte probablement autour de 1320. Son œuvre est une autobiographie en cinq tomes, dont les trois premiers sont situés à Kyôto, à la cour impériale, et les deux derniers sont consacrés à un voyage à travers le Japon, sur le modèle du poète pèlerin Saigyô (1118-1190).

La margelle du puits (Izutsu), pièce de théâtre nô suivi du Conte de la margelle du puits extrait de Isé monogatari.

— Un homme amoureux de l’amour (Kôshoku ichidai otoko), premier roman et le plus représentatif d’Ihara Saikaku (1642-1693). Avant de se consacrer à des romans, Saikaku écrivait des haikai renga, renga prosaïques d’inspiration et « libres ». Mais il abandonna ce genre pour se lancer, avec Un homme amoureux de l’amour, dans celui de l’ukiyo sôshi (« écrit du monde flottant »), que l’on peut considérer comme romanesque. Ce fut un véritable renouveau pour la littérature classique qui stagnait dans un formalisme stérile : elle allait enfin tenir compte de la société réelle, en se détachant de l’esthétisme. Cette entreprise ne fera pas école et il faudra attendre le XXe siècle pour voir réapparaître ce type de réalisme romanesque.

— La Mort des amants à Sonezaki (Sonezaki shinjû), pièce de ningyô jôruri (théâtre de poupées) écrite par Chikamatsu Monzaemon (1653 ?-1724). Chikamatsu est le dramaturge de l’époque féodale, comme ses contemporains Saikaku et Bashô sont les représentants respectifs du roman et de la poésie.

— Entretiens de Kyorai  — Propos du maître Bashô (Kyoraishô — Senshihyô) suivi du renga : En ville… extrait de La Pèlerine du singe (Sarumino, Ichinakawa no maki). L’ouvrage est, comme le titre l’indique, de Mukai Kyorai (1651-1704), qui fut un des disciples les plus représentatifs de Bashô. Il l’aurait rédigé dans les dernières années de sa vie. Bashô est le véritable auteur de la partie présentée dans cet ouvrage, il est le poète de génie qui, comme Zeami l’avait fait pour le nô, a donné au haikai une dimension artistique.

Le lecteur pourra découvrir en fin d’ouvrage un glossaire bien fourni ainsi qu’un tableau chronologique et une bibliographie qui lui seront fort utiles.

Après avoir parcouru cette anthologie, qui se veut avant tout un panorama cohérent de la variété des genres littéraires déployés durant un millénaire au Japon, au rythme qui lui convient, le lecteur occidental appréhendera plus aisément la littérature japonaise qui lui semblait auparavant aux antipodes de sa culture. S’il est poète de tanka ou de haiku, il pourra y puiser l’inspiration nécessaire et s’approcher au plus près de cette poésie si éloignée de la sienne.


Çà et là

Ukon ouvrit aussi la réponse qu’Ukifuné avait rédigée la veille :

« Il suffit d’espérer me rencontrer plus tard
Ne vous égarez pas dans un rêve du monde.

Apprenez dans l’écho d’une cloche affaiblie
Et de pleurs étouffés mes jours interrompus. »

Ukon sanglota irrépressiblement : « C’était donc cela, l’origine de ses angoisses. Mais pourquoi ne pas s’être confiée à moi ? »

———

Elle reçut de son voisin ce poème :

La margelle du puits la margelle du puits
Me sert de toise et j’ai grandi sans mon amie.

Elle répondit :

Jadis pareils aux tiens mes cheveux ont poussé
Pour qui d’autre que toi dois-je les relever ?

———

Devant la guirlande du Nouvel An, je voudrais entendre la première annonce d’Isé.
BASHÔ

Dans la lettre qu’il m’a écrite de Fukagawa, j’ai lu : « Outre la multiplicité de commentaires qu’a suscités ce poème. Quelle est ton opinion ? »

J’ai répondu : « Par la substitution de l’annonce d’Isé à la capitale, et au pays natal, le poète, à l’époque dépassée de la cérémonie du Nouvel An, se remémore l’ère du dieu et le désir d’entendre la nouvelle répond aux mouvements d’un cœur qu’habite le dieu du voyage. »

Il m’a répondu : « Je ne me démarquerai pas de ton opinion. Ce jour-là, je me suis rappelé la solennité de ce lieu divin et je me suis appuyé sur le poème du moine Jien. Je me suis contenté d’ajouter le mot première. »




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