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Les Éditions Philippe Picquier nous
proposent une édition revue de celle publiée en deux tomes en 1998. Il s’agit
de textes japonais, écrits entre le VIIIe et le XVIIIe
siècle et traduits par Ryôji Nakamura et René de Ceccatty. Dans l’avertissement
faisant office de préface les auteurs nous précisent que l’évolution de la littérature
japonaise est irrégulière et discontinue, parcourue de blancs, d’arrêts de
production. Les périodes fécondes étant les XIe, XIIIe et
XVIIe siècles et les périodes répétitives ou régressives survenant
notamment au XVIe siècle.
Il est essentiel de considérer la littérature classique
japonaise comme un tout et non comme un prologue de la littérature japonaise.
Elle a défini son propre langage et sa propre philosophie.
Ce livre nous
permet donc de découvrir tous les genres qui ont inspiré les écrivains
classiques, l’accent étant mis sur les textes en prose.
L’objectif des
auteurs étant de rassembler des textes nouveaux dans une traduction inédite,
vous ne trouverez pas dans cet ouvrage Notes
de chevet, Heures oisives, Contes de pluie et de lune.
Notons que les
textes présentés ne sont pas des extraits, exception faite des romans longs
pour lesquels l’intrigue peut être suivie sans difficulté.
Les auteurs nous offrent, en appendice, deux textes
contemporains : Contes de Tôno (Tôno monogatari) et l’Iki (Iki no kôzo).
Cette édition revue (dépôt légal : octobre 2005)
nous offre donc les œuvres suivantes :
— Des journaux
poétiques tels que Journal de Tosa et
Journal d’Izumi shikibu.
— L’éphémère (Kagerô) cinquante-deuxième
chapitre de Genji monogatari qui en comporte cinquante-quatre.
— Les cent poèmes, célèbre anthologie de waka.
—
Contes du Moyen Age dont six contes
extraits de Konjaku monogatari, Uji shûi monogatari, Tsutsumi chûnagon
monogatari.
— Écrit de l’ermitage (Hôjôki) de Kamo no Chômei, fils d’un prêtre shintoïste
qui suite à un échec dans sa carrière de courtisan abandonna le monde pour se
faire moine, ce livre révèle le reste de sa vie.
— La Réserve visuelle des événements dans leur justesse (Shôbôgenzô) écrit par Dôgen
(1200-1253) qui est qualitativement et quantitativement l’œuvre maîtresse de
cet auteur bouddhiste. Constituée de quatre-vingt-sept chapitres, cette somme
doctrinale est la première et peut-être la seule œuvre japonaise de dimension
véritablement conceptuelle.
— Soliloque (Towazugatari) a été retrouvé en 1950 seulement dans une
copie, incomplète du XVIIe siècle. L’auteur, désignée sous le surnom
de Gofukakusain nijô, c'est-à-dire « Dame de la Deuxième Avenue, concubine
de l'Empereur Retiré Gofukakusa », est née en 1258 et morte probablement
autour de 1320. Son œuvre est une autobiographie en cinq tomes, dont les trois
premiers sont situés à Kyôto, à la cour impériale, et les deux derniers sont
consacrés à un voyage à travers le Japon, sur le modèle du poète pèlerin Saigyô
(1118-1190).
— La margelle du puits (Izutsu), pièce de
théâtre nô suivi du Conte de la margelle
du puits extrait de Isé monogatari.
— Un homme amoureux de l’amour (Kôshoku ichidai otoko), premier roman
et le plus représentatif d’Ihara Saikaku (1642-1693). Avant de se consacrer à
des romans, Saikaku écrivait des haikai renga, renga prosaïques d’inspiration
et « libres ». Mais il abandonna ce genre pour se lancer, avec Un homme amoureux de l’amour, dans celui
de l’ukiyo sôshi (« écrit du monde flottant »), que l’on peut
considérer comme romanesque. Ce fut un véritable renouveau pour la littérature
classique qui stagnait dans un formalisme stérile : elle allait enfin
tenir compte de la société réelle, en se détachant de l’esthétisme. Cette
entreprise ne fera pas école et il faudra attendre le XXe siècle
pour voir réapparaître ce type de réalisme romanesque.
— La Mort des amants à Sonezaki (Sonezaki shinjû), pièce de ningyô
jôruri (théâtre de poupées) écrite par Chikamatsu Monzaemon (1653 ?-1724).
Chikamatsu est le dramaturge de l’époque féodale, comme ses contemporains
Saikaku et Bashô sont les représentants respectifs du roman et de la poésie.
— Entretiens de Kyorai
— Propos du maître Bashô (Kyoraishô — Senshihyô) suivi du renga : En ville… extrait de La Pèlerine du singe (Sarumino,
Ichinakawa no maki). L’ouvrage est, comme le titre l’indique, de Mukai Kyorai
(1651-1704), qui fut un des disciples les plus représentatifs de Bashô. Il
l’aurait rédigé dans les dernières années de sa vie. Bashô est le véritable
auteur de la partie présentée dans cet ouvrage, il est le poète de génie qui,
comme Zeami l’avait fait pour le nô, a donné au haikai une dimension
artistique.
Le lecteur
pourra découvrir en fin d’ouvrage un glossaire bien fourni ainsi qu’un tableau
chronologique et une bibliographie qui lui seront fort utiles.
Après avoir
parcouru cette anthologie, qui se veut avant tout un panorama cohérent de la
variété des genres littéraires déployés durant un millénaire au Japon, au
rythme qui lui convient, le lecteur occidental appréhendera plus aisément la
littérature japonaise qui lui semblait auparavant aux antipodes de sa culture.
S’il est poète de tanka ou de haiku, il pourra y puiser l’inspiration
nécessaire et s’approcher au plus près de cette poésie si éloignée de la
sienne.
Çà et là
“
Ukon ouvrit aussi la
réponse qu’Ukifuné avait rédigée la veille :
« Il suffit d’espérer me rencontrer plus tard
Ne vous égarez pas dans un rêve du monde.
Apprenez dans l’écho d’une cloche affaiblie
Et de pleurs étouffés mes jours interrompus. »
Ukon sanglota
irrépressiblement : « C’était donc cela, l’origine de ses angoisses.
Mais pourquoi ne pas s’être confiée à moi ? »
———
Elle reçut de son
voisin ce poème :
La margelle du puits la margelle du puits
Me sert de toise et j’ai grandi sans mon amie.
Elle répondit :
Jadis pareils aux tiens mes cheveux ont poussé
Pour qui d’autre que toi dois-je les relever ?
———
Devant la guirlande du Nouvel An, je voudrais entendre la première
annonce d’Isé.
BASHÔ
Dans la lettre qu’il
m’a écrite de Fukagawa, j’ai lu : « Outre la multiplicité de
commentaires qu’a suscités ce poème. Quelle est ton opinion ? »
J’ai répondu :
« Par la substitution de l’annonce
d’Isé à la capitale, et au pays natal, le poète, à l’époque dépassée de la
cérémonie du Nouvel An, se remémore l’ère du dieu et le désir d’entendre la
nouvelle répond aux mouvements d’un cœur qu’habite le dieu du voyage. »
Il m’a répondu :
« Je ne me démarquerai pas de ton opinion. Ce jour-là, je me suis rappelé
la solennité de ce lieu divin et je me suis appuyé sur le poème du moine Jien.
Je me suis contenté d’ajouter le mot première. »
”
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